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Redonner à l'oeuvre du peintre Louis Touchagues sa place méritée dans le patrimoine artistique...

Les grandes étapes de sa carrière artistique

Texte basé sur l’article « Itinéraire biographique » de M.C. Pralus, paru dans la catalogue de l’exposition « Hommage à Louis Touchagues » organisée par l’association en 1994. Les images sont des vignettes à basse résolution qui illustrent le texte. Elles ne constituent pas des reproductions.

1893-1912 Premiers pas

Louis François Touchagues nait le 28 avril 1893 à Saint Cyr au Mont d’Or. Son père, y est entrepreneur de plâtrerie et peinture. Il suit l’école des Frères, puis l’école laïque jusqu’en 1906. Le passe-temps favori de cet enfant plutôt frêle est déjà le dessin. Sa famille lui fournit ses premiers modèles.

Il entre à l’Ecole Préparatoire des Beaux Arts à 14 ans et l’année suivante à l’Ecole des Beaux Arts de Lyon, où il restera quatre ans. Epoque de l’insouciance, des soirées coquines en compagnie de Laplace, Combet-Descombes, Gabriel Chevallier, Henri Clos Jouve. Il expose au salon de la Société Lyonnaise des Arts.

1912 Premier départ pour Paris

Le jeune homme travaille chez l’architecte Pierre Regnault tout en suivant les cours de l’Académie de la Grande Chaumière. Première affiche : une lithographie en couleur au Salon des Etudiants de Lyon. Il loue son premier atelier rue Edouard Jacques à Montparnasse dans une maison entièrement occupée par des artistes. Il se construit quelques meubles avec des caisses de récupération et vive la vie d’artiste !

1913-22 Période lyonnaise

Dès 1913, Touchagues est chargé de l’illustration de l’hebdomadaire lyonnais « Le 7me jour ». On y reconnaît déjà son talent de dessinateur de presse et de caricaturiste. Son style plait, mais il faut partir au service militaire. Touchagues, est réformé en 1913 après un accident sur le champ de manœuvres. Pendant la guerre il sera volontaire dans les services annexes de l’Hôtel Dieu à Lyon. A l’Armistice, il retrouve l’Ecole des Beaux Arts en étudiant libre.

Il expose chaque année au Salon des Etudiants de Lyon. En 1917 il expose 15 œuvres au Salon d’Automne (bizarrement inspirées par Belle-Ile-en-Mer) et obtient une bourse de voyage en Italie.

Il édite sa première estampe intitulée Les Trois Amis : un français, un russe et un anglais se tenant par les bras. Pour encourager l’enfant du pays, la mairie de Saint Cyr lui achète trois huiles.

Touchagues se fait un nom à Lyon : un ami, Pierre Argence, écrit un article sur sa peinture dans Le Tout Lyon, journal économique régional ; les illustrations qu’il dessine pour le docteur Edmond Locard, directeur du laboratoire de police technique de Lyon et fondateur de la police scientifique sont appréciées.

Au sortir de la guerre, le style des œuvres de Touchagues se libère. Il va tutoyer le surréalisme et le style Dada. Dès 1920, le magazine parisien Fantasio qui publie les dessins des grands noms du moment, accueille quelques unes de ses œuvres.

Première exposition particulière à Lyon à la galerie Maire-Pourceaux, suivie d’une autre aux Deux Collines en 1921. Il reçoit le prix Ponthus-Cinier, concours annuel de « Paysage au point de vue décoratif », pour un paysage qu’il agrémente de trois modèles : une blonde, une brune et une rousse. Le début d’une longue histoire …

Durant cette période il dessine aussi pour l’impression sur tissus et soieries. Mais … La vie lyonnaise, en dépit des joies qu’elle me donnait, ne me satisfait pas entièrement. Je pensais de plus en plus à la vie que j’avais menée à Paris. Cela tournait à l’obsession. Je n’avais pas l’impression de perdre mon temps mais je savais bien que pendant toutes ces années je n’avais guère progressé. Il me fallait, j’en étais sûr, tenter de nouveau ma chance sur les bords de la Seine. Pendant quatre ans j’hésitai. Puis, un jour, en flânant dans les bois de Saint-Romain, je me décidai enfin à partir.

1922 Débuts à Paris

Au printemps 1922, il saute le pas et rejoint les artistes lyonnais installés à Paris : Gabriel Chevallier, Marcel Achard, Gaston Baty, Pierre Scize, Henri Béraud … Au théâtre il rencontre Jouvet, Rudolf Valentino, Jacques Prévert, Jacques Hébertot … Il trouve un job chez le soyeux Van Gelder ; ses dessins pour tissus sont remarqués par le couturier Paul Poiret, lequel, mécène de l’art moderne et grand découvreur de talents, obtiendra l’exclusivité de ses travaux chez Van Gelder, de la même façon qu’il l’avait fait quelques années plus tôt pour Raoul Dufy. Délivré des soucis financiers pour quelques années, le jeune artiste rencontre un autre lyonnais, le directeur du Théâtre de l’Atelier, Charles Dullin qui se l’attache comme régisseur-décorateur-assistant jusqu’en 1927. Premiers décors au Théâtre de l’Atelier dès 1923. Exposition à la Galerie Devambez, où il croisera Gus Bofa.

1924-26 La consécration

Touchagues dessine sans relâche et collabore à différents journaux illustrés tels que L’Art Vivant, Les Nouvelles Littéraires, Fantasio, Le Rire, Le Crapouillot, Le Charivari, pour lesquels il croque de nombreux hommes politiques, fait du dessin satirique souvent grinçant et produit les portraits de peintres comme Picasso, Léger, Vlaminck. Il expose au Salon des Indépendants et continue de créer des décors et costumes de théâtre à l’Atelier comme ceux de : Celui qui vivait sa mort et de Voulez vous jouer avec môa de Marcel Achard.

En 1924, Gus Bofa l’accueille au Salon de l’Araignée, qu’il a créé pour donner un espace de liberté aux dessinateurs les plus originaux et anticonformistes du moment. Il y côtoie Dunoyer de Segonsac, Pascin, Hermine David, Chagall, tous impliqués dans le livre d’art. C’est la consécration : les commandes affluent. En 1926, première livraison d’illustrations pour le Jeanne d’Arc de Joseph Delteil. Le « Tout-Paris » défile dans son atelier et de nombreuses personnalités lui commandent un portrait.

Touchagues devient dessinateur parlementaire et croque les têtes célèbres du moment : Aristide Briand, Gaston Doumergue, Edouard Daladier, Edouard Herriot. Vincent Auriol et bien d’autres ; Yvette Guilbert pose et chante pour lui ! Paris Journal, le charge de faire un portrait de Matisse. On l’envoie en reportage avec André Salmon à Monte Carlo. Il en rapporte divers portraits et une série de gouaches sur la vie mondaine à la Principauté ; il traite avec une application particulière les détails, jouant avec ironie des sujets qu’il destine par son style, au Salon de l’Araignée. On y retrouve l’influence de l’avant garde russe et plus particulièrement de Malevitch.

1927-32 Un pied dans le Midi, l’autre à Paris

En 1927, Pierre Trémois, l’éditeur de Pascin et de Marie Laurencin lui fait une proposition qui allait changer sa vie : une mensualité contre trois toiles par mois. Touchagues accepte et va se poser quelque temps dans le Midi. Comme il l’écrit lui même : « J’étais enfin libre de peindre et d’aimer à loisir. Je n’allais pas m’en priver. A cette époque, je fus assez épris à deux reprises pour me marier deux fois et outre les toiles réservées à Trémois, celles que j’exécutais pour mon plaisir, les dessins que je continuais de faire parvenir aux journaux et les décorations murales entreprises, j’ai encore trouvé le temps de dessiner des maquettes de décors de théâtre et d’illustrer des ouvrages signés par des grands écrivains » Touchagues continue donc de dessiner. Sa sensibilité, son œil sûr et sa rapidité font merveille : « Hebdomadaires et quotidiens me demandaient des caricatures, des illustrations ou des dessins à légendes. Je ne refusais rien. J’aimais voir et noter rapidement. » On va trouver sa signature dans de multiples publications. Il réalisera le portrait de nombreuses personnalités du monde de l’art : Bonnard, Signac, Rouault, Ambroise Vollard, etc.

Aventureux, il va faire le portrait du bandit Spada, alors caché dans le maquis corse. Pour les Nouvelles Littéraires, il rencontre à Menton le célèbre romancier Blasco Ibanez peu avant sa mort. En 1930 à Saint Paul de Vence, il exécute une peinture murale (La joie de vivre) à La Pergola, suivie d’une fresque (Le jour et la nuit) à La Colombe d’Or.

Lors de ses passages à Paris, on le retrouve à partir de 1927 au Café Raoul dans le quartier de l’Opéra. Pour Touchagues : Cet établissement était le café de Flore de l’époque et j’y avais mes habitudes. Hommes de lettres, peintres et journalistes s’y croisaient à longueur de soirée. On pouvait donner un nom à presque tous les clients. Henri Duvernois, Roland Dorgelès, Pierre Mac Orlan, Francis Carco, Pierre Benoit, Henri Jeanson, Pierre Lazareff, Pierre Scize, Henri Danjou, parmi tant d’autres, venaient y boire quelques demis. Tour à tour ils durent signer le livre d’or que Raoul, bistrot avant tout, avait intitulé : « Le livre de beurre… « 

Plus tard, après son déménagement rue de la Saïda à Montparnasse, Touchagues fréquente un autre repaire d’artistes, le Café du Dôme. Il y croque bien sûr les habitués comme Foujita, Max Ernst, Kandinsky, Kiki, Marie Laurencin, Modigliani, Picasso, Man Ray et Soutine, que l’on connaît aussi collectivement sous le nom de Dômiers ou Montparnos.

En 1928 il épouse Margit Palm, charmante suédoise aux cheveux clairs. Le mariage se défera assez vite. A Monaco en 1931, second mariage avec une jeune provençale de Saint Paul de Vence, Pierrette Issert, qu’il surnomme Ziazi.

A Paris, il expose à la Galerie Katia Granoff en 1927, à la Galerie Zak en 1928 puis l’année suivante à la Galerie Saint Louis en I’Ile. En 1930, 1931 et 1932, il expose à la Galerie Pierre Trémois. Il fait tirer sur les presses de Mourlot une lithographie : La Négresse. Il illustre en 1928 Frédégonde de Jean Cassou et Le Carrosse du Saint Sacrement de Mérimée, en 1930 Donat Vainqueur ou les Panathénées du IIe arrondissement d’André Salmon, Communisme de l’œil d’Harold J. Salemson puis Les Fables de La Fontaine.

En 1929, il peint une gouache « La guerre et la paix » qui sera célébrée par la critique et exposée au Petit Palais.

En décembre 1932, il contribue au Salon des Echanges, salon post crise financière où les artistes pouvaient troquer leurs œuvres contre des biens divers. Il en réalise l’affiche.

1933-38 La renommée

On le sollicite de tous cotés : illustrations, dessin de presse, portraits, théâtre et expositions. Il réalise les bois gravés illustrant Les Montparnos de Michel Georges Michel, illustre Le Voyage de Childe Harold de Byron et les Contes d’Alphonse Daudet.

En 1933 et 1934, Touchagues expose à la Galerie Pascaud : fleurs des champs, paysages de St Paul et portraits d’enfants. En 1935, il participe à la manifestation du Huitième Groupe des Artistes de ce Temps au Petit Palais avec Raoul Dufy, Chagall, Marie Laurencin, Zadkine. Exposition à la Galerie Jacques Bonjean de trente cinq portraits de femmes. Commentaire de Pierre Lazareff, rédacteur en chef de Paris

Soir : Cet hiver, dans son clair atelier de la rue de la Saïda, et cet été à Saint Paul, dans le jardin parfumé de sa maison provençale, de jeunes et jolies femmes, appartenant à toutes les élites de la société, ont défilé devant Touchagues. Les voici aujourd’hui devant vous, …

En 1934, il illustre une demi douzaine de numéros de la revue Ecoutez-moi de la sulfureuse Marthe Hanau. La causticité de ses dessins est à son comble et le monde politique français reste sa cible favorite.

En 1935, Charles Dullin rappelle Touchagues à l’Atelier pour les décors et costumes du Faiseur de Balzac ainsi que pour l’affiche et le portrait du comédien dans L’Avare.

En 1936, le metteur en scène Paul Storm, élève de Jacques Copeau, confie à Touchagues la réalisation des décors et costumes de La Complainte de Pranzini de Saint-Georges de Bouhélier, pour le Théâtre d’Amsterdam. A Paris, nouveaux décors pour Le Camelot de Roger Vitrac.

Touchagues reçoit la Légion d’Honneur en 1936.

Exposition Universelle de 1937 à Paris :

– On lui commande un panneau de carreaux de grès cérame sur le thème « un salon de jeu » pour le pavillon de la Manufacture Nationale de Sèvres.

– Il reçoit sept Grands Prix dont celui des Décors et Costumes de Théâtre.

– Il réalise quelques gravures (celles de Montparnasse) pour le Paris 1937 de Daragnès publié à l’occasion de l’Exposition Universelle.

Petits travaux : Modelage en plâtre polychrome du buste de Ziazi.

Grands travaux : Pour le Musée d’Art Moderne, il réalise des verrières peintes, en trois éléments de six mètres de hauteur, représentant la route de Paris à l’océan, en collaboration avec François Desnoyer, Francis Gruber, Hermine David et Valentine Prax.

1938 : Gaston Baty, metteur en scène du Chapeau de paille d’Italie à la Comédie Française lui confie la réalisation des décors et costumes. Toujours à la Comédie Française, Touchagues réalise les maquettes des décors pour La folle journée de Beaumarchais avec Dullin.

Pour le Salon des Artistes Décorateurs de 1938 au Grand Palais, Touchagues imagine un Pont des Soupirs sur une rivière lumineuse avec projections de poissons. Pour une collection particulière il exécute un Gondolier Noir grandeur nature, en plâtre polychrome, et une Diane.

1939-43 La guerre

En 1939 il dessine les décors pour Un Garçon de chez Véry de Labiche qui sera mis en scène par Gaston Baty au Théâtre Montparnasse, mais la guerre arrête beaucoup de projets sur lesquels Touchagues avait longuement travaillé :

  • Le film Peau d’Ane : Ce devait être une féerie en couleurs (…) dont René Sti voulait assurer la mise en scène. J’y ai travaillé assez longtemps mais la tension internationale, puis la guerre m’ont empêché de réaliser ce projet. René Sti est mort aux Etats-Unis (sic). Il ne me reste de ce rêve qu’un souvenir et quelques maquettes dont la mise au point m’avait prodigieusement amusé dans la mesure où elle m’avait obligé à m’interroger sur le rôle de la couleur au cinéma.
  • Les costumes du ballet Fragonard sur une musique de Gabriel Pierné.
  • Les costumes de Tricoche et Cacolet de Meihac et Halévy mis en scène par Gaston Baty
  • Les 80 costumes du ballet Thaïs de Serge Lifar ?

Au début de la guerre, on le retrouve à la section camouflage du Ministère de l’Armement, où peintres, décorateurs et architectes ont été recrutés pour la dissimulation des dépôts de munitions, quais d’embarquement, etc. Après un bref repli dans l’Allier à Charroux, il s’installe chez une amie rue de la Paix. A partir de la fin de 1940, la vie artistique redémarre sous contraintes à Paris. Il fréquente alors le milieu de la mode. Il expose à la Galerie Charpentier trois années de suite et la Galerie Louis Carré, monte pour lui l’exposition « Décors et costumes de théâtre » en avril 1941.

En 1941, Touchagues dessine le décor et les costumes  de Cartes postales, suite de scènes chorégraphiques créées par Henri Sauguet sur la scène du théâtre Hébertot.

En 1943, il édite son premier album de dessins Femmes et Modèles, avec une préface de Marcel Aymé. Il dessine une lithographie pour la Loterie Nationale : La Fortune et la Vertu et l’affiche de l’exposition Loteries de jadis et d’aujourd’hui.

Toujours en 1943, décors et costumes de Pièce en trois actes de Henri Georges Clouzot au Théâtre de la Michodière et à l’Athénée, et des Deux Bavards de Cervantès au Théâtre Marigny.

1944-46 Renaissance

A la Libération en 1944, Touchagues est chargé par Robert Rey, directeur des Beaux Arts, de dessiner l’arrivée du Général De Gaulle à l’Hôtel de Ville de Paris.

Le théâtre parisien renaît : de nombreuses pièces sont montées en quelques années. On lui demande de dessiner les décors et costumes pour :

  • Le Malade Imaginaire, mise en scène de Jean Meyer à la Comédie Française avec Raimu,
  • Les Précieuses Ridicules, mise en scène Robert Manuel qui sera montée à la Comédie Française en 1949,
  • Frère Soleil au Vieux Colombier,
  • Les 37 sous de M. Montaudouin de Labiche aux Mathurins,
  • Guignol, ballet de Roland Petit,
  • Le voyage de monsieur Perrichon de Labiche à New York,
  • Savez vous planter les choux de Marcel Achard et Rhapsodie en bleu de Gershwin aux Ballets des Champs Elysées

Il réalise la maquette d’un théâtre de variétés au Palais de Tokyo dans la section Art Monumental du Salon d’Automne. Il contribue au Théâtre de la Mode, instrument de relance de la haute couture parisienne, avec Cocteau, Bérard, et Georges Wakevitch, puis présente l’exposition à la Reine Mère à Londres. Il exécute une porte monumentale à l’Orangerie à l’occasion de l’Exposition de la Loterie Nationale.

Délégué par les Beaux Arts à la première Conférence de la Paix, Touchagues croque une série de portraits des représentants.

En 1945 il exécute une série de 50 lithographies pour Charmes de Paris de Léon Paul Fargues, puis produit plusieurs lithogravures : Suzy Delair, Jeune fille fumant, Girl au music hall, Fille aux cheveux relevés, ainsi que deux eaux fortes : L’Ecuyère et La fille en demi jour. Il Illustre Daphnis et Chloé de Longus, les Poésies de la Belle Cordière de Louise Labé et Florie de Colette, puis Chanson pour elle et Ode en son honneur de Paul Verlaine

1947-51 La joie de vivre, l’art des fêtes

En 1947 il dessine les décors et costumes de La Marche Nuptiale de Bernstein et de Soir de Fêtes ballet de Léo Delibes à l’Opéra.

Cette même année il réalise une grande fresque pour le Ministère des Finances : L’argent au service du travail et une nouvelle lithographie pour la Loterie Nationale : La richesse recevant la pauvreté. Il décore onze panneaux sur le thème La lumière italienne pour le bar fumoir de la Comédie Française.

En 1949, Touchagues publie un deuxième album de dessins intitulé La Parisienne, texte de Robert Rey, traduction anglaise de Vyvyan Holland. Il présente ses Parisiennes à la Galerie des Jacobins à Lyon en 1950 et expose à la Galerie Allard à Paris en 1951.

Au début des années 50, Touchagues prend la très jeune Jeanne Devis comme modèle. Femme de caractère, elle sera engagée en 1953 comme mannequin par Christian Dior qui la surnommera Victoire. Cassant les codes établis, elle deviendra rapidement mannequin vedette chez Dior puis chez Yves Saint Laurent avant de se retirer au début des années 60 sous le nom de Victoire Doutreleau.

Entre 1947 et 1951, on continue de demander à Touchagues d’illustrer de très nombreux ouvrages : Souvenirs de la vie au Paradis de Georges Duhamel, Les Femmes d’Amis de Georges Courteline, Framboise Pépin et ses environs de François de Bondy, Le Roi Pausole de Pierre Louys, Paris de ma fenêtre de Colette, L’Education Sentimentale de Flaubert, Nus poèmes d’Alexandre Arnoux, Manon Lescaut de l’Abbé Prévost et une série de livres de Sacha Guitry.  A l’occasion il tâte un peu de publicité. Celle qu’il a dessinée pour Perrier en 1951 est restée célèbre et a été republiée jusque dans les années 70.

Ô dessin transparent, douces jambes à la fraîche rondeur que n’encrasse aucune estompe … et dont l’élastique et tendre volume s’inscrit entre deux traits. Deux traits de rien du tout, un peu raides, de cette raideur qu’ont les bras et les jambes des toutes jeunes filles. Un petit lavage de lavis, et voilà que ces bras, ces jambes, ces bustes s’embrument de tulle et d’organdi, se gainent de velours et de faille.     

Robert Rey.

Sa joie de vivre, sa passion pour l’éphémère et le trompe l’œil, son savoir faire de décorateur de théâtre, entraîneront Touchagues dans l’art des fêtes, très en vogue à cette époque. En 1948, il décore l’Hôtel Rothschild pour une Soirée Douanier Rousseau. En 1950, à Fontainebleau il décore le château de la Madeleine pour une soirée champêtre. En 1951, nouvelles fêtes au château historique de La Rochefoucauld, pour la Soirée des Seigneurs de Franc Pineau, et à Cannes aux Ambassadeurs pour une Soirée espagnole. Il se taille rapidement une réputation et jusque dans les années 60, les revues people publieront les photos des fêtes organisées par Touchagues.

Il est fait officier de la Légion d’Honneur en 1948.

1952-58 l’apogée

En 1952, comme plusieurs de ses confrères parisiens, Touchagues abandonne (brièvement) la vie parisienne pour décorer un édifice religieux. Il choisira la chapelle de l’Ermitage du Mont Cindre dans son village natal, Saint Cyr au Mont d’or ; ses modèles seront des habitants de ce village encore rural et ses amis. Le maçon du village viendra chaque matin préparer le mortier sur lequel Touchagues immortalisera, dans leurs travaux quotidiens, les habitants. La Vierge aura les traits de Marie Louise Lacroix, sa muse et modèle du moment.

De retour à Paris, il conçoit les décors transformables et les costumes du ballet Cinéma à l’Opéra. Ce sera une des dernières touches de sa carrière de décorateur de théâtre, mais sa vie reste trépidante :

  • Il met en scène une Soirée Bikini aux Ambassadeurs de Cannes en 1952, une Grande Soirée franco anglaise à Deauville en 1953 et contribue à la Soirée Fantastique du Ciel à Cannes en 1955.
  • La Direction des Eaux et Forêts lui commande une peinture murale, La Forêt.
  • En 1952, Touchagues crée un décor pour le plafond mobile du restaurant Lasserre.
  • En 1952, 1953 et 1954, il prend part à la Kermesse des Etoiles, au stand des Arts Plastiques avec ses confrères Foujita, Marie Laurencin, Maurice Utrillo, etc. Il y laisse de nombreux portraits express de ses modèles d’un jour, célèbres ou inconnues.
  • En 1954, Touchagues publie son unique livre de souvenirs, En dessinant l’époque, dont le titre fait écho à celui du livre de Paul Poiret En habillant l’époque, paru en 1930.
  • En 1955, J.A. Cartier publie la première biographie de Touchagues
  • En 1955, Touchagues peint une fresque pour la petite église de Rosières en Ardèche, et une autre pour le rendez vous de chasse de M. Desson dans les Ardennes.
  • En 1956, Il Illustre le livre Sainte Pélagie, patronne des comédiens, de Gaby Morlay, édite une série de lithographies en couleur dont Jeunes filles au jardin et crée une affiche pour la Soierie lyonnaise.
  • En 1956 Touchagues termine sa première tapisserie La Parisienne aux champs.
  • En 1957, sur une commande d’André Malraux, une de ses œuvres, Jeune fille aux mimosas est reproduite en gemmail, et décore aux côtés de Monet, Manet, Modigliani, Berthe Morisot, Cézanne, Van Gogh, Dufy, Braque, Picasso, Walch la station de métro Franklin Roosevelt rénovée.
  • La même année, exposition Visages du demi siècle et d’aujourd’hui à la Galerie Rombaldi à Toulouse
  • En 1958 Il organise une fête Cour d’Amour, au château de Gaazbeek, dans le cadre de l’Exposition Internationale de Bruxelles

En 1953, Touchagues est l’objet d’un long article dans le Larousse du XXe siècle. Un court métrage consacré au peintre est mis en chantier en 1956.

Durant cette période, Touchagues se consacre de plus en plus aux expositions :

En 1953, grande exposition à Lisbonne au Palais Foz qu’il apprécie beaucoup : J’ai fait d’autres expositions à l’étranger, à Madrid et à Tanger, aux Etats Unis et en Italie, en Angleterre et en Belgique, en Tchécoslovaquie et en Allemagne, en Finlande et en Suisse, mais c’est sans doute de mon exposition au Portugal que je garde le meilleur souvenir.

En 1954, il expose à la Galerie des Saussaies à Paris. En 1956, Il participe à la grande exposition de la Galerie Vendôme avec Carzou, Bonnard, Marquet, Jongkind, Daumier, Hilaire, Brayer, etc.

Il revient à Lyon pour une exposition à la Galerie des Jacobins. Le critique d’art Marius Mermillon écrit dans Résonances : Pour dessiner ces corps nus ou déshabillés, il a usé d’une calligraphie de luxe, aux pleins et aux déliés imprévus, filant l’arabesque d’un trait qui parfois s’enfièvre, excise un relief inutile, épouse à nouveau la forme puis perd la trace pour la retrouver après deux sauts de plume.

En 1958, la maison Corot sort un foulard signé Touchagues. Le peintre expose à Nice au Palais de la Méditerranée.

1959-64 Retour dans le Midi

Touchagues retourne dans le Midi à Grimaud. Depuis quelques années, il peint celles qu’il aime comme il aime : des femmes et des jeunes filles célèbres ou des inconnues de la plage. Les corps et les cous s’allongent et s’amincissent mais le trait reste sûr.

Les commandes continuent d’affluer. A Paris exposition Peintres du bonheur à la Galerie Ror Volmar, puis chez Marthe de La Tour. Pour satisfaire une demande toujours aussi forte, Touchagues édite plusieurs lithographies et estampes.

Il réalise une peinture murale pour le bar-fumoir de l’éditeur Cino Del Duca, le roi de la presse du cœur, qui lui monte une belle exposition. Touchagues écrit à une amie lyonnaise : Très belle exposition, bien montée, bien présentée et bien vendue. Vernissage très brillant. Côté messieurs sérieux : le Président de l’Assemblée Nationale, le Président Pinay, le Président Edgard Faure ( … ). Côté joyeux : des fillettes à la pelle : en tête la belle Danièle Saintouin, et les favorites, toutes fidèles à l’amitié et reconnaissantes. Côté comédiennes : Danielle Darrieux, Dany Robin, Giselle Casadessus, Brigitte Bardot …

En 1960 il dessine un jeu de cartes avec son coffret pour les clients de la société lyonnaise Rhodiaceta. En 1961 il réalise des décors pour le film Paris je t’aime de Pérol et participe à la réalisation d’un documentaire sur les peintres de Montparnasse : Rive gauche. Il illustre L’Oiseau bleu, de Maurice Maeterlinck.

1962 : Touchagues publie son troisième et dernier album de dessins : Vagues à Saint-Tropez, préface de Maximilien Gauthier. Touchagues ajoute à ses dessins quelques réflexions : Certains mois, Saint-Tropez est l’endroit où il y a le plus grand nombre de jolies filles au mètre carré. (…) Lorsqu’on est dépourvu de tout vêtement, on ne peut se rendre que de menus services. (…) D’énormes chapeaux coiffent des fillettes aiguilles.

Pendant toute cette période, Touchagues continue d’exposer : à Juan-les-Pins, à Cannes, à Rennes, à Paris à la Galerie André puis à Berne.

1965-74 Les dernières années

En 1966 Touchagues réalise un ensemble de vingt lithographies destinées à un ouvrage intitulé La route du vin de Champagne. Il expose au Musée Municipal de Saint-Paul-de-Vence et à la Galerie Fabris à Paris.

En 1970, réalisation de la lithographie « Jeune fille au cerceau » puis illustration des livres La Jument Verte de Marcel Aymé, La Vie des Courtisanes et La Vie des Femmes Mariées de L’Arétin.

Le 26 avril 1970, inauguration de la rue Louis Touchagues à Saint Cyr au Mont d’Or. Touchagues aura l’honneur – rare – d’inaugurer de son vivant la rue qui porte maintenant son nom. Un film de 15 minutes, réalisé par FR3 pour cette occasion, retrace le parcours du peintre et relate cet événement pittoresque.

1972 : le Musée du Périgord à Périgueux accueille une grande exposition Touchagues : Visages du demi-siècle. Cette exposition circulera ensuite en France : Musée d’Art Moderne de Paris, Galerie Saint-Georges à Lyon chez Denise Fessetaud-Mermillon, Orangerie du Château de Breteuil, enfin chez Marthe de La Tour, près de Deauville.

En 1972 il s’attaque à une très grande huile dont le sujet est une vue aérienne de son village natal : Saint Cyr au Mont d’or. Il en fera don à la commune, bouclant ainsi une carrière artistique, démarrée par la vente de ses premières huiles à la municipalité de l’époque avant son départ pour Paris.

1973 : Touchagues peint ses dernières œuvres : L’Arlequin, pour commémorer le 300ème anniversaire de la mort de Molière et La Tropézienne. Toutes deux seront éditées sous forme de lithographies.

 1974 : l’Hôtel de la Monnaie de Paris édite une pièce à l’effigie de Touchagues.

Louis Touchagues meurt à Paris le 20 juillet 1974. Il est enterré au cimetière de Saint Cyr au Mont d’or.