L’œuvre : le dessin de presse
Louis Touchagues a commencé de dessiner très tôt pour la presse française. Il a probablement publié plusieurs centaines de dessins de toute nature : humour, dessin politique, actualités, illustration d’articles … en couleur comme en noir et blanc, principalement entre 1913 et 1940. Les sujets sont assez éclectiques. Comme il l’écrit dans son livre de souvenirs : « C’est beaucoup de têtes célèbres que j’ai croqué, pour les journaux, ces années-là ! Hebdomadaires et quotidiens me demandaient des caricatures, des illustrations ou des dessins à légendes. Je ne refusais rien. Comme j’aimais voir et noter rapidement, ce travail ne me déplaisait pas. D’autant plus qu’il me permettait de gagner ma vie à une époque où j’avais tout à conquérir. »
Il est assez difficile de les faire entrer ces dessins dans un classement par genre ou par date. C’est pourquoi nous avons choisi d’en présenter une sélection par titre de presse dans un ordre approximativement chronologique. Tous les titres de presse n’ont pas été explorés. Les années qui suivent la première guerre mondiale ont vu l’éclosion d’une kyrielle de titres nouveaux. Tous n’ont pas vécu longtemps. Les collections publiques sont loin d’être complètes, il faut chercher, quelquefois longtemps, la perle rare sur le marché des vieux papiers. Il reste donc des découvertes à faire.
Ci dessous, une sélection de dessins représentatifs de la production de Touchagues dans la première moitié du XXe siècle pour une douzaine de titres. On y trouvera essentiellement des dessins isolés. Les livres et articles de magazines illustrés par Touchagues se trouvent sur d’autres pages.
Le 7me jour
Le 7me jour, Chroniques lyonnaises est un hebdomadaire qui a été publié à Lyon entre 1912 et la première guerre mondiale. Sa page de couverture, imprimée en N&B (quelquefois rehaussé de rouge), était l’œuvre d’un dessinateur local. On connaît 7 couvertures illustrées par Touchagues. Vous en trouverez 4 ci dessous.
Cela va de l’image pittoresque de la vie lyonnaise (Chauds les marrons) à la caricature de l’artiste (Pour un fauve …) en passant par l’actualité et le portrait pas trop méchant (comme celui de Paul Cazeneuve, professeur à la faculté de médecine de Lyon et homme politique de la IIIe République, ci dessus). Certains de ces dessins ont eu une assez longue carrière. Par exemple, Touchagues a réutilisé « Pour un fauve, il a l’air bien timide » à Paris quand il a été admis au Salon de L’Araignée.
Fantasio
Fantasio était un bimensuel satirique illustré français, sous-titré « Magazine gai ». Il était publié par Félix Juven, qui était aussi l’éditeur de la revue « Le Rire ». Il est paru de façon régulière de 1906 à 1937. Toutes les couvertures, jusqu’en 1934, ont été confiées au dessinateur Auguste Roubille. Le journal, qui comprenait quelques pages intérieures en couleur, a invité plusieurs fois Touchagues à publier des dessins pleine page en couleur. On en connaît 9. Vous trouverez une galerie de 4 dessins ci dessous.
De sa première livraison à Fantasio en 1920, alors qu’il était encore à Lyon, à la dernière en 1926, Touchagues est allé de la saynète Dada au dessin humoristique sophistiqué, en passant par la caricature politique. Ses Saint-Edouard [Herriot] et Saint-Léon [Blum], bourrés de détails à explorer lentement, expriment avec force le positionnement politique de ses cibles dans un style Art Déco.
Lyon Etudiant
Lorsqu’il était étudiant à l’Ecole des Beaux Arts de Lyon, Touchagues a noué des amitiés solides avec le milieu médical lyonnais. Avec son ami Jean Duclos, il a créé la Piaule au Vent, groupe d’artistes lyonnais en devenir et a contribué à la vie de l’Association Générale des Etudiants de Lyon. De cette période, on lui doit en particulier la couverture, l’illustration de la première page et quelques culs-de-lampe de la revue « Lyon-Etudiant » ainsi que l’affiche du 3me Salon des Etudiants.
L’esprit du cor
L’esprit du cor, journal de la 66e Division Bleue est un journal de tranchée qui a été publié de façon assez aléatoire entre 1917 et 1919. La couverture était illustrée par un dessin en noir et blanc. Touchagues qui avait été réformé suite à un accident sur le champ de manœuvre juste avant la première guerre mondiale, servait alors dans les hôpitaux annexes de l’Hôtel-Dieu de Lyon. En 1917, il dessina un « Noël aux tranchées » qui fut publié en couverture du numéro 12.
Le Rire
Fondé en 1894 par Félix Juven, Le Rire fut l’hebdomadaire satirique le plus lu de la Belle Époque. La nouvelle série, qui démarre en 1919, dure jusqu’au 1er juin 1940, et compte plus de 1000 numéros. La publication s’interrompt durant l’Occupation. En 1946, Le Rire renaît avec une formule mensuelle qui s’arrête dès décembre 1949. Il y eut ensuite d’autres tentatives de redémarrer le titre jusque dans les années 70 mais Touchagues ne semble pas y avoir contribué. On connaît une vingtaine de dessins de Touchagues publiés dans Le Rire entre son arrivée à Paris en 1922 et 1948. On peut les diviser en trois ensembles :
- 1924-1926. Les dessins qui ciblent des situations politiques. Le contexte politique, tant national qu’international est franchement conflictuel, et Touchagues a souvent la dent dure. En même temps, il est très actif sur d’autres journaux comme le Charivari.
- 1924-1926 Quelques dessins d’humour ou d’actualité qui émaillent sa production.
- 1947-1948. La femme. Touchagues a acquis une image de « peintre de la femme » en publiant plusieurs recueils de dessins de nus et en illustrant de nombreux livres de dessins érotiques. La rédaction du Rire tire parti de cette réputation en lui demandant d’illustrer ses couvertures ou certaines pages intérieures avec des dessins de femmes dénudées, censées attirer l’attention du passant. Cela ne durera qu’un temps …
On trouvera donc ci dessous trois galeries de dessins correspondant à chacun de ces trois thèmes.
Le Charivari
Le Charivari, quotidien politique illustré, fut publié de 1832 à 1926. Une nouvelle série hebdomadaire succède alors au quotidien jusqu’en 1937. Il reparait en mensuel entre 1956 et 1965, puis sous forme trimestrielle jusque dans les années 70. On connaît une dizaine de dessins de Touchagues publiés entre 1926 et 1928 au lancement de la nouvelle série hebdomadaire. Il ne semble pas que Touchagues ait contribué ensuite.
En 1926, le titre redémarre avec une ligne éditoriale franchement antiparlementaire. Touchagues y semble à l’aise et publie des dessins bien trouvés mais plus féroces les uns que les autres qui ciblent les hommes politiques en vue : Briand, Poincaré, Herriot, …. Il n’oublie pas de charger les institutions de la IIIe République avec quelques dessins pour lesquels on se demande comment il n’a pas été inquiété. Il est probable que Touchagues a alors joué la prudence : si on peut reconnaître certaines personnalités, elles ne sont pas nommément identifiées.
On trouvera ci dessous une petite galerie de dessins au trait en noir et blanc et plus bas une image d’un dessin double page où on peut reconnaître quelques acteurs de la vie politique des années 1920 dans des situations … incongrues.
Le Crapouillot
Le Crapouillot est un périodique satirique français fondé en 1915. Il s’agit au départ d’un journal de tranchées où on exprime de l’humour et de l’ironie. Certains numéros ont d’ailleurs été caviardés par la censure.
En 1919, Le Crapouillot devient une revue mensuelle littéraire et artistique sous-titrée « arts, lettres, spectacles ». Le journal accueille des articles de tout le spectre politique. Il servira de tribune à des artistes non conformistes comme Pierre Mac Orlan, Henri Béraud, Gus Bofa, Dunoyer de Segonzac, Hermine David, André Dignimont, Jean-Louis Forain, … et bien sûr Louis Touchagues.
En 1930, Le Crapouillot change de ligne éditoriale ; il ne publie plus que des numéros bimestriels. Le ton est résolument à droite jusqu’à l’arrêt de la publication en 1939. L’histoire reprendra cahin-caha en 1948 avec la publication d’une monumentale Histoire de la Guerre puis de dossiers thématiques bimestriels jusqu’à liquidation du titre en 1996.
Le Crapouillot aidera à lancer Touchagues dès 1924 de deux façons :
- en publiant quelques dessins noir et blanc et des illustrations d’articles.
- en promouvant sa peinture et ses expos par des critiques plutôt bienveillantes et des illustrations de ses œuvres.
On ne trouvera plus de dessins de Touchagues dans cette revue après 1930. On lui doit cependant la belle page de vœux du premier numéro de la nouvelle série. A l’exception d’une caricature tardive d’un président du Conseil publiée dans un numéro de l’Histoire de la Guerre en 1948, on est plus loin de la politique que dans ses dessins dans Le Charivari, Le Rire ou Ecoutez-moi. On trouvera ci dessous une petite galerie de dessins.
L’Art Vivant
L’Art vivant : revue bimensuelle des amateurs et des artistes… Telle est la ligne éditoriale de lancement de ce nouveau titre le 1er janvier 1925. Des auteurs de talent comme Georges Charensol et Georges Hilaire y écrivent des articles fouillés où ils critiquent l’art académique et vantent les mérites de certains nouveaux venus comme Touchagues. Ces articles incluent des images de bonne qualité des œuvres. Grace à cette vitrine, l’art si particulier de Touchagues à cette époque – qui utilise toutes les ressources de la gouache – est peu à peu reconnu et apprécié. Cependant, Touchagues n’oublie pas le dessin et produit entre 1925 et 1927 quelques images humoristiques fortes qui ciblent le monde de l’art parisien et qui seront éditées en pleine page. On lui confiera aussi, mais c’est plus anecdotique, la première couverture couleur en quadrichromie de la revue en 1933. Cette image, un peu fade, sera la dernière qu’il dessinera pour l’Art Vivant. La revue continuera à publier des commentaires, plutôt bienveillants, sur la production artistique de Touchagues jusqu’en 1938.
L’image
Le titre « L’image » a d’abord été publié par la Corporation des graveurs sur bois à Paris à la fin du XIXe siècle. La revue renait en 1932 pour se consacrer au cinéma sous la direction de Claude Dorgelès. 124 numéros d’une quarantaine de pages seront publiés jusqu’en 1938. Touchagues y a été assez actif entre 1932 et 1933. Il y a en particulier publié en 1932 deux dessins pleine page autour de la naissance du cinéma parlant.
Ecoutez moi …
Marthe Hanau est une des rares femmes françaises active dans les milieux de la finance des années 20 et 30. Elle fonde un journal à succès « La gazette du Franc » puis plusieurs sociétés financières proposant des rendements mirobolants qui se révèleront bâties sur des pyramides de Ponzi. Condamnée pour escroquerie et abus de confiance, elle finira par se suicider en prison en juillet 1935.
En mars 1934, encore libre, Marthe Hanau lance son dernier hebdomadaire, Écoutez-moi…, avec des dessinateurs de renom : Effel, Touchagues et Kisling. Ce périodique a une ligne éditoriale pacifiste, attaque les juges et met en garde contre Hitler. Il disparaît en février 1935 après cinquante numéros, rattrapé par les condamnations de sa patronne. Touchagues a fourni des dessins pour pratiquement tous les numéros, certains dans la ligne antiparlementaire qu’il avait déjà suivie dans Le Charivari dans les années 20, d’autres pour illustrer les historiettes des pages centrales.
Quelques couvertures signées Touchagues parmi les 12 publiées :
Trois dessins politiques (le troisième fourmille de détails) :
Touchagues illustrera également une demi douzaine de petits récits pour « Ecoutez moi… » On peut en avoir un aperçu ici.
Quelques dessins hors catégorie …
Quelques dessins produits à l’unité pour diverses revues :